Pour ceux qui, comme moi, ont grandi dans les années 80-90, les classiques Disney sont comme une religion que l’on s’est toujours imaginé transmettre un jour à notre progéniture. Pourtant, force est de constater que ces trésors de notre enfance ne rencontrent pas toujours le succès escompté chez nos chères têtes blondes. J’ai interrogé tous les parents de mon entourage pour tenter de savoir s’il s’agit bel et bien d’une cause perdue ou s’il reste encore un peu d’espoir de les éduquer à la magie Disney.
Lorsque j’étais petite fille, j’ai eu la chance (du moins, je considère cela comme tel) d’avoir été biberonné à Disney très tôt. Dès l’âge de 3-4 ans, j’ai commencé à regarder certains des classiques avec lesquels mes parents avaient grandi – je rappelle qu’on était dans les années 80 et que « coller » les enfants devant la télé n’était pas encore considéré comme une hérésie. J’ai voué un culte à « Robin des Bois » et aux vieux dessins animés de Mickey et Dingo (ah, les jeux olympiques !) avant de devenir irrémédiablement accro à Disney avec le second âge d’or et notamment « La Petite Sirène » et « La Belle et la Bête », qui sont parmi les premiers films que j’ai vus au cinéma. Ma Maman était d’ailleurs très stricte à ce sujet, jugeant très sévèrement les quelques films d’animation non Disney de l’époque comme « Fievel » (que je n’ai toujours pas vu à ce jour) ou « Le petit dinosaure ». J’ai donc toujours imaginé que si j’avais un jour des enfants, nous regarderions ensemble ces films et qu’ils les apprécieraient au moins autant que moi.
Mais en 2005, je suis devenue belle-mère d’un petit garçon de 5 ans et mes illusions se sont brutalement envolées. J’ai découvert que les héros de mon enfance n’avaient clairement plus la cote. Il faut dire que depuis le début des années 2000, Disney n’avait pas brillé par la qualité de ses films d’animation et que Pixar avait largement dépassé le maître tant au box office que dans le cœur du public et des critiques. Quant aux studios Dreamworks, nés à la suite de la rupture brutale entre Jeffrey Katzenberg et Michael Eisner, leurs productions étaient plus populaires que jamais. Lors de notre première visite à Disneyland Paris avec lui, il ne connaissait pas la plupart des personnages présents dans la Parade et malgré mes efforts pour lui faire découvrir certains de mes classiques préférés, aucun ne faisait le poids face à Shrek, Kung Fu Panda ou Flash Mc Queen. Alors oui, vous me direz que ce dernier est de la maison, mais malgré mon grand amour pour les films Pixar, j’ai du mal à les considérer comme des classiques Disney au sens strict du terme.
Quelques années plus tard, je suis devenue Maman et je n’avais que peu d’espoir dans ma capacité à éviter la même déconvenue avec mon fils. C’était sans compter sur le succès de deux certaines sœurs qui, en devenant le film le plus rentable de l’histoire de Disney, ont fait remonter en flèche la popularité des studios de Burbank.
La Reine des Neiges, plus fidèle dans sa structure et sa narration à la tradition des « grands classiques » que les productions Pixar. Ce film a « rééduqué » les enfants à la magie Disney. Après avoir usé le DVD du 1 jusqu’à la corde, j’ai ainsi pu orienter mon fils vers d’autres films récents du même style, à l’image de Raiponce, puis vers des longs-métrages plus anciens. Du coup, j’ai voulu savoir si j’avais une exception à la maison ou bien si le vent était réellement en train de tourner. J’ai donc fait un sondage sur Instagram, Facebook et par SMS pour savoir quels étaient, parmi les 58 (à ce jour) classiques Disney officiels, ceux qui avaient plu à la nouvelle génération et ceux qui, au contraire, n’avaient pas trouvé leur public, et pourquoi.
Dans un premier temps, j’ai voulu savoir quels étaient les films préférés des parents. En tête, sans grande surprise, on retrouve « Le Roi Lion » (42% des votants), suivi de « La Belle et la Bête » et « La Ptite Sirène » (15% chacun) et de « Aladdin » (11%). Rien de bien étonnant puisque les parents d’aujourd’hui appartiennent pour une bonne part à la même génération que moi et ont donc une affection particulière pour les films sortis pendant la première moitié des années 90. À noter la belle performance de « Robin des bois » (9%) qui reste, en dépit de sa relative mauvaise réputation, un film adoré par beaucoup.
Du côté des enfants, là encore, on assiste à une victoire écrasante des deux franchises stars, à savoir « La Reine des Neiges » (31% des voix) et « Cars » (23%, tous films confondus). Là où les résultats sont plus intéressants, c’est sur la troisième marche du podium où on retrouve ex-aequo trois films plus anciens: « Le Roi Lion » (18%), « Peter Pan » (13%) et « Les Aristochats » (8%). Dans les 7% restants, outre « Toy Story » (cité deux fois), « Raiponce » (une fois), « Ratatouille » (une fois) et « Coco » (une fois, par mon fils qui ne fait jamais rien comme tout le monde), on retrouve pas mal de films d’animation traditionnelle comme « Pocahontas », « Cendrillon », ou bien encore « La Belle et la Bête ». On m’a également cité « le Prince et le Pauvre », qui n’est pas un classique Disney à proprement parler, mais qu’il me semble intéressant de mentionner car il s’agit pour le coup d’un court-métrage dont seul Disney + a permis la remise en lumière.
J’ai ensuite demandé aux parents s’il y avait des classiques Disney qu’ils ne souhaitaient au contraire pas faire découvrir à leurs enfants. Là encore, nous avons un vainqueur incontesté : à 36%, « Pinocchio » est considéré comme bien trop effrayant pour être montré à de jeunes enfants – avis que je partage puisque même à mon grand âge, je ne le regarderai à nouveau pour rien au monde ! La scène de la transformation en âne a visiblement traumatisé une grande partie d’entre nous (le moment où le gamin hurle « Maman », non mais sérieux, comment peut-on faire une horreur pareille !), de même que la baleine Monstro qui porte bien son nom.
Dans les autres films qui m’ont été cités, on retrouve « Blanche-Neige et les Sept Nains » (la scène dans les bois ou celle de la transformation de la sorcière), « Dumbo » (l’emprisonnement de la mère ou la scène où Dumbo est clairement bourré) et « Bambi » (#jesuismamandebambi). On m’a également parlé de « Fantasia » et de « Alice au pays des merveilles », davantage pour leur côté « barré » et « difficile à suivre » que pour leur caractère effrayant.
Dans les films plus récents, on m’a cité « Basil détective privé », et notamment de la chauve-souris et du visage de Ratigan à la fin, et bien entendu de « Taram et le chaudron magique », à cause…et bien… de « Taram et le chaudron magique« . Je ne suis pas très surprise des résultats de ce dernier point car on y retrouve des films généralement cités pour leur côté très sombre. J’avais lu sur le net que dans « Basil » ou dans « le Bossu de Notre Dame » notamment, la « sexualisation » de certains personnages poussait des parents à refuser de les montrer à leurs enfants, chose qui n’a pas été évoquée dans le sondage.
J’ai prévu de revenir sur ce point dans un article à venir et notamment sur le traitement d’Esmeralda et d’une autre héroïne Disney bien connue (teasing…). Sinon, en voyant ces résultats, j’ai été surprise de voir qu’aucune considération plus « politique » n’ait été mentionnée. Je pense par exemple à des allusions racistes tenus dans certaines films Disney (et pas dans « Mélodie du sud », cf. la chanson « Des sauvages » dans Pocahontas). Du coup, quand je vois que « les Aristochats » ou « la Belle et le Clochard » vont être exclus des profils « enfant » sur Disney + à cause de la caricature d’accent chinois qu’ils contiennent mais que nos enfants vont pouvoir continuer à se regarder « Pinocchio » tranquille, je m’interroge.
Un autre sujet pas du tout abordé est celui des considérations sexistes et des stéréotypes antiféministes que l’on sait être légion dans les films du siècle précédent et qui font fréquemment l’objet d’articles véhéments dans la presse. « La Belle et la Bête », par exemple, numéro deux du classement des parents, montre un Gaston pas vraiment au fait de la notion de consentement, de même que « La Petite Sirène » peut laisser penser que c’est normal de changer pour plaire à un homme (et je ne parle même pas des films plus anciens où Cendrillon, Aurore ou Blanche-Neige ne se définisse que par leur grande beauté et/ou leur envie d’épouser un prince qu’elles ne connaissent que depuis dix secondes). Indépendamment de ce que l’on peut penser de ces critiques, je trouve intéressant de constater qu’elles n’ont jusqu’à présent pas eu d’impact sur l’amour que nous leur portons. Reste à voir quel sera le regard que nos petites filles, davantage coutumières d’héroïnes fortes et non définies par une histoire d’amour comme Vaiana, Rebelle ou même Elsa, porteront sur ces films aux valeurs parfois un peu datées.
La dernière question de mon sondage était relativement simple: « pensez-vous que les grands classiques Disney puissent encore être appréciés par les enfants d’aujourd’hui ? ». J’avais précisé dans cette dernière partie que je parlais bien des films en animation traditionnelle et pas des Pixar ou des Disney numériques afin que cela ne biaise pas les résultats. Le résultat est sans appel: 98% des personnes interrogées pensent que oui, même si elles reconnaissent que certains films auront quand même du mal à trouver leur public. « Fantasia », par exemple, n’était pas spécialement apprécié à notre époque (en dehors de la séance où apparaissait Mickey) et est très difficile d’accès pour un jeune public.
Les films pré-second âge d’or comme « Basil », « Oliver et compagnie » ou même « Bernard et Bianca » 1 et 2 sont aujourd’hui un peu tombés dans l’oubli, mais peuvent peut-être compter sur une certaine connexion émotionnelle que nous, parents d’aujourd’hui, pouvons entretenir avec eux. Pour les films du début des années 2000 tels que « La planète au trésor » ou « Atlantide », en revanche, je suis plus pessimiste: j’étais moi-même déjà ado à leur sortie et avoue ne les avoir jamais vus sans que cela me manque spécialement. Seule la curiosité pourrait me pousser à les visionner, mais le catalogue Disney + est si vaste (sans parler de celui des autres fournisseurs VOD) qu’ils ne figurent clairement pas en tête de ma watchlist.
Justement, l’arrivée de Disney + en 2020 n’est évidemment pas étrangère à cet élan d’optimisme. Avant, il fallait posséder les DVD et on hésitait forcément à investir 15€ pour un film qui n’allait potentiellement pas plaire à nos enfants. Avec Disney +, l’accès à tous les films de notre enfance devient simple. En plus, cela tombe bien, il se trouve que depuis un an, nous avons tous BEAUCOUP de temps pour regarder la télé. D’ailleurs, la quasi-totalité des parents que j’ai interrogés ont pris l’abonnement et visionné une grande partie des films par ce biais. Grâce à ce nouveau canal, mon fiston a vu « Les revenants solitaires » des dizaines de fois; son meilleur pote réclame un chien à ses parents qu’il veut appeler Bongo ; ma filleule de 3 ans connaît par cœur « Au détour de la rivière » de Pocahontas; mon neveu a demandé un déguisement de Peter Pan pour Carnaval… Je suis peut-être trop sentimentale, mais ça me met du baume au cœur de me dire que la magie continue d’opérer…. et continuera puisque nos enfants seront eux aussi un jour des parents.
Ah, et au cas où vous vous poseriez la question : j’ai interrogé mon ado de maintenant 16 ans ex-accro à Kung Fu Panda et il s’avère que son dessin-animé préféré de tous les temps, c’est… « Le livre de la jungle »…
Note de l’auteur: le sondage a été réalisé sur un panel de 62 parents d’enfants de moins de 15 ans, hommes et femmes confondus (même si j’ai eu une majorité de réponses de femmes). Les résultats restent donc subjectifs à ce panel et doivent être pris comme tel.