John Williams : Le dernier Jedi

Découvrons ensemble la vie du grand John Williams, connu pour ses magnifiques musiques de film! Sans lui le 7eme art serait probablement très différent!

Le 25 Mai 1977 résonne dans trente-sept salles de cinéma américaines une fanfare galactique, aux teintes cuivrées puissantes mêlées aux envolées lyriques et libertaires des violons. Les cuivres reviennent, martelant leur thème, inspirant la présence d’une force implacable. Un court récit défile, lettres jaunes sur fond étoilé, jusqu’à mourir aux confins de galaxies lointaines.

Cet hymne, imaginé par le compositeur John Williams pour le jeune réalisateur George Lucas, nous plonge au cœur d’une aventure spatiale épique qui marquera à jamais toute une génération, l’univers de la science-fiction et à plus grande échelle, l’industrie cinématographique dans son ensemble.

Retour sur l’histoire d’un homme, proche des grands réalisateurs Steven Spielberg et de George Lucas, dont l’œuvre aura à jamais créé un tournant dans l’histoire du cinéma.

FORMATION

Fils d’un percussionniste travaillant pour CBS radio, JW est rapidement familier avec la musique. Il apprend dès sept ans le piano, puis le trombone, le tuba et la trompette. 

Adolescent, il mène son propre groupe de jazz et compose également des pièces pour piano.

N’imaginant pas pouvoir un jour vivre de la composition musicale, il se concentre sur ses études de piano et déménage à Los Angeles. Il étudie l’orchestration à l’UCLA (University of California Los Angeles) et au Los Angeles City Collège. Il rejoint pendant trois ans l’U.S. Air Force, où il officie comme arrangeur d’orchestre. 

De retour à New York, il intègre la Juilliard School (NYC) pour parfaire sa maîtrise du piano. En parallèle, il vit de cachets de pianiste jazz. Son enseignante, Rosina Lhevinne, lui conseille de retourner à Los Angeles pour développer son écriture musicale. 

De retour en Californie, dans les années 1950, il commence une carrière de pianiste de studio pour des sociétés de production de séries et films. Ensuite, pour la Columbia Pictures et la 20th Century Fox, il travaille comme arrangeur : son travail consiste à développer et enrichir une mélodie. Pendant les années 1960, il poursuivra ce travail d’arrangement jusqu’à décrocher son premier Oscar pour la direction musicale et l’orchestration du film musical « Un Violon sur le Toit » (« Fiddler On The Roof ») de Norman Jewison en 1971, dont la bande originale nous transporte dans la Russie des Tsars.

Son travail sur « The Reivers » de Irving Ravetch (1969), une composition intégrant un harmonica et un banjo qui fleurent bon le grand Ouest américain, interpelle un certain Steven Spielberg. Alors âgé de 28 ans, il prépare à l’époque son film « Sugarland Express » (1974). Il lui propose de travailler avec lui sur ce long-métrage, le premier d’une longue collaboration.

John Williams oriente la bande originale vers une composition à base d’harmonica, marquant la mélancolie et l’esprit de voyage qui habite le scénario. « Sugarland Express » ne sera pas un succès commercial à cause de deux autres road-movies sortis simultanément, mais il recevra de bonnes critiques, ainsi que le Prix du Scénario au Festival de Cannes.

DE SPIELBERG A LUCAS

Entre temps, John Williams a travaillé sur la bande originale du film « Images » de Robert Altman (1974), un angoissant thriller psychologique. La majeure partie de cette œuvre dépeint une atmosphère lugubre, empreinte d’une folie et ponctuée de sonorités stridentes et oppressantes. Cette angoisse palpable n’est pas sans rappeler le succès suivant de John Williams…

Suite à leur première collaboration, Steven Spielberg fera à nouveau appel à John Williams pour ce qui sera considéré comme l’un premier blockbuster du cinéma américain : « Jaws » (« Les Dents de la Mer »), sorti en 1975. Pour son film d’horreur/thriller, Spielberg doit se passer de ses animatronics de requin, dont la mécanique est défectueuse lorsqu’elle est immergée… La bête n’est ainsi jamais visible. Ses attaques, montrées du point de vue du requin, sont accompagnées d’un thème de deux seules notes qui, répétées, créent un sentiment d’angoisse, d’oppression et d’attente difficilement soutenable. Bien que Spielberg croit d’abord à une plaisanterie, la magie opère et le thème devient iconique : « Jaws » deviendra le plus grand succès de tous les temps… pour deux années seulement, rattrapé en 1977 par Star Wars de George Lucas.

Tandis que John Williams et Steven Spielberg collaborent une nouvelle fois sur la réalisation de « Close Encounters of the Third Kind » (« Rencontre du troisième type »), Spielberg présente le compositeur à son ami George Lucas, alors en cours d’écriture d’un Space-opéra sur fond de récit initiatique. Pour ce projet, Lucas souhaitait une bande originale aux sonorités classiques, loin des musiques pop et expérimentales en vogue à l’époque. Il envisageait de réutiliser des bandes sons existantes, à la façon de Stanley Kubrick dans « 2001 : A Space Odyssey » (1968).
Spielberg convainc Lucas de laisser Williams lui proposer une œuvre originale, inspirée des compositions de Richard Wagner, Gustav Holst ou Franz Liszt : six semaines plus tard, Williams avait composé une heure et demi de musique en utilisant le procédé du leitmotiv, cher à Wagner. Un leitmotiv est une phrase musicale, un thème répété en association à une idée, un personnage, un lieu, un sentiment. C’est ainsi qu’on retrouve des thèmes musicaux par personnage ou par lieu, à l’image de l’Imperial March ou du thème de la Force, que l’on entend se confronter et se mêler dans différentes compositions pour satisfaire aux besoins du scénario. Bien que conçu initialement comme un film de série B, la magie opère et son hymne épique résonne en chacun. Star Wars est né.

UNE SAGA EN TROIS TEMPS

Star Wars a eu un succès retentissant et inattendu, bien loin du qualificatif de « film pop-corn » dont Lucas qualifiait son projet. Les récompenses pleuvent : en 1978, ce sont pas moins de sept oscars, huit Saturn Awards (récompensent les œuvres de science fiction), Grammy Awards, BAFTA (les Oscars britanniques), Golden Globes et autres récompenses.

Cette année-là, John Williams décroche pour Star Wars trois récompenses : un Oscar, un Golden Globe et un double Saturn Award (ex-aequo avec lui-même pour la musique de « Rencontre du troisième type »). Les recettes sont énormes et engrangent 530 millions de dollars. Ce succès ne sera battu qu’en 1983 par « E.T. the extraterrestrial » de Spielberg.

Face à ce succès, la machine Star Wars est lancée. George Lucas est trop accaparé par l’activité de production florissante de Lucas Film et la gestion des produits dérivés de Star Wars, il délègue la réalisation de « The Empire Strikes Back » (1980) à Irvin Kershner, celle de « The Return of The Jedi » (1983) à Richard Marquand . On retrouve là encore John Williams à la musique. Les deux films sont eux aussi des succès, bien que ne décrochant pas de nouvelles récompenses.

A la suite de la trilogie, George Lucas se concentre sur la production de films via sa société Lucas Films, dont la foisonnante saga Indiana Jones, qui réunira régulièrement le quatuor Spielberg (réalisation) / Lucas (production) / Williams (Musique) / Harrisson Ford (rôle principal).

John Williams reprend ses collaborations récurrentes avec Steven Spielberg, signe la bande originale de la plupart de ses succès : « Empire of the Sun », « Jurassic Park », « Schindler’s List » ou encore « Saving Private Ryan ». Il travaille également avec Chris Colombus sur « Home Alone ».

Dans les années 1990, Star Wars reste populaire, notamment grâce aux produits dérivés de l’univers étendu (romans, bandes dessinées…) dont Lucas a gardé l’intégralité des droits d’exploitation. La machine Star Wars tournant toujours grâce à la production récurrente de nouvelles œuvres, George Lucas décide de réaliser la prélogie, racontant l’enfance d’Anakin Skywalker avant qu’il ne bascule du côté obscur.  A cette occasion, il rappelle John Williams pour qu’il compose les musiques de cette nouvelle trilogie.

Parallèlement à la composition de la prélogie de Star Wars, John Williams compose pour Chris Colombus et Alfonso Cuarón les trois premières bandes-originales d’Harry Potter (2001, 2002 et 2004), posant les bases à ses successeurs Patrick Doyle (Harry Potter 4) , Nicholas Hopper (Harry Potter  5 et 6) et Alexandre Desplats (Harry Potter  7 pt 1 & 2). Dans un registre plus léger et mystérieux que Star Wars, il signe là encore des mélodies qui marqueront toute une génération.

Durant cette période, John Williams travaille quasi exclusivement avec Steven Spielberg sur des sujets tels que « Minority Report », le quatrième volet d’Indiana Jones, « Les aventures de Tintin : le secret de la licorne ».

John Williams participera à la composition musicale de la postlogie Star Wars, à la demande de Kathleen Kennedy, présidente de Lucasfilm depuis 2012, suite au rachat de la société par The Walt Disney Company. Après « The Force Awaken » (2015), « The Last Jedi » (2017) et « The Rise of Skywalker » (2019), le compositeur a déclaré début 2018 à la radio californienne KUSC que le neuvième volet de la saga Star Wars serait sa dernière contribution à cet univers. Il clôture ainsi la saga Skywalker par son omniprésence et la satisfaction d’un travail achevé de bout en bout.

Du haut de ses soixante années de carrière, John Williams quitte l’univers de Star Wars en nous léguant ce qu’il a de plus précieux : son amour de la musique, son indéfectible créativité narrative et son génie de l’orchestration. Avec 52 nominations aux Oscars, il est la deuxième personne la plus nommée pour cette récompense, derrière Walt Disney. Il est par ailleurs amusant de noter que le compositeur a avoué n’avoir jamais visionné le moindre film de la saga Star Wars. Pourtant, lorsque la fanfare retentira à nos oreilles et que les lettres jaunes défileront une fois de plus sur nos écrans, ses mélodies seront toujours là pour nous guider vers de lointaines galaxies.

Que la Force soit avec vous.