Dans un précédent article, on s’attardait sur le roman Peter Pan de l’anglais J.M. Barrie, roman qui a inspiré le célèbre dessin animé du même nom, produit par les studios Disney. Nous allons voir ici qu’il n’est pas un cas unique, mais qu’il fait partie d’une longue lignée de contes, fables, œuvres littéraires et illustrations venues tout droit d’Europe, dont Walt et ses équipes, majoritairement immigrés européens, se sont inspirés pour leurs films d’animation.
Nous sommes au début des années 30, Walt Disney connaît le succès mondial avec son Mickey Mouse. Cependant, ayant conscience qu’il ne pourra pas compter indéfiniment sur sa mascotte pour maintenir son studio, il lance alors le projet Blanche-Neige et les Sept Nains.
Il mise beaucoup sur ce long métrage et face à la pression de ce défi, Walt est fatigué et en proie à une dépression nerveuse. Son frère, Roy, lui propose alors un voyage en Europe avec leurs épouses pour passer des vacances.
Mais les deux hommes sont également des bourreaux de travail, et savent pertinemment que leur séjour ne sera pas simplement une escapade touristique. Ayant déjà des bureaux et des droits de distribution sur le vieux continent, ils ont l’idée d’y promouvoir la marque Disney et d’assurer un avenir à leurs futures productions. Alors que Roy est plus axé sur la partie administrative de la compagnie, Walt a aussi comme objectif de ramener en Californie des sources d’inspiration pour ses nouveaux films.
Lilian, Walt, Edna et Roy prennent le départ le 2 juin de Pasadena (Californie) pour plus de 58 heures de train, pour rejoindre Chicago puis New York le 6 juin.
Le 7 juin, les voilà donc embarqués pour un grand tour européen qui marquera profondément les studios Disney. Ils montent à 14h à bord du tout nouveau paquebot ultramoderne français, le Normandie, à destination de l’Angleterre.
L’Angleterre
Ils arrivent le 12 juin à Plymouth et montent directement dans un train qui les conduit à la gare de Paddington à Londres. Walt étant très populaire au Royaume-Uni grâce à ses cartoons et ses planches de bande dessinée publiées chaque semaine dans les journaux, ils sont accueillis par une foule d’admirateurs quela police a du mal à contenir. Ils séjournent au Grosvenor House, le premier des nombreux hôtels luxueux que nos quatre Disney vont fréquenter.
Ils vont passer douze jours à sillonner l’Angleterre et l’Ecosse, alternant quelques rencontres d’affaires et des visites touristiques. Leur séjour se termine le 24 juin, jour des 42 ans de Roy, qu’ils fêtent ensemble à Londres.
La France
Le mardi 25 juin, nos quatre amis montent à bord d’un avion Imperial Airways en direction de Paris. Ils s’installeront à l’hôtel Crillon pour débuter leur séjour de dix jours en France.
Après quelques rendez-vous professionnels (dont un contrat avec l’éditeur Hachette) et la visite de la capitale, les Disney partent découvrir Reims et la campagne française. Ils en profitent pour visiter des sites de la Première Guerre mondiale que Walt connaît de par son passé de chauffeur de la croix rouge pendant ce conflit. Les deux frères en profitent pour se rendre au cimetière américain de Belleau Wood, et y rendre hommage aux soldats morts durant la guerre.
Le 4 juillet, en visite sur les champs de bataille de Verdun, Edna, Roy, Lillian et Walt célèbrent le Jour de l’Indépendance, la fête nationale des États-Unis.
Allemagne & Suisse
Après un arrêt à Strasbourg pour admirer l’horloge astronomique de la Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg qui fascine Walt (il en fera même des croquis), les Disney partent pour un bref séjour à Munich, les 7 et 8 juillet. Pourquoi Munich et pas Berlin, la capitale ? Tout simplement parce que Roy et Walt sont aussi là pour affaires et, insatisfaits d’un ancien accord avec le studio de cinéma UFA pour la distribution de leurs films d’animation, ils décident de rencontrer des représentants de Bavaria Film pour trouver un nouvel accord.
Le 9 juillet, les voilà partis pour la Suisse, en profitant pour faire une petite halte à Lindau, situé à proximité des frontières suisse et autrichienne, et pour déjeuner au port sur les rives du lac de Constance.
Les Disney reprennent la route en direction de Lucerne, en passant par Saint-Gall, Zurich et Zoug. Ils y arrivent le 10 juillet en début de soirée. Après un long trajet, ils prennent une nuit à l’hôtel de luxe le Grand Hôtel National et en profitent ainsi pour prendre un jour de repos et faire le tour du lac des Quatre-Cantons en bateau avant de reprendre la voiture, direction l’Italie.
Italie
Après avoir traversé le sud des Alpes, ils arrivent en Italie et s’installent à la Villa d’Este à Tivoli sur les bords du lac de Côme. Ils découvrent ainsi le nord transalpin, et Lillian et Walt y fêtent leur anniversaire de mariage, le 13 juillet 1935.
Ils se rendent ensuite à Milan pour régler quelques problèmes avec un distributeur italien pour enfin, le 19 juillet, prendre un train pour Rome, et passer quelques jours dans la ville de Romulus et Remus.
Le 24 juillet à Naples, Edna, Lillian, Roy et Walt embarquent à bord du paquebot italien de luxe le Rex pour rejoindre New-York et, plus tard, Pasaneda, leur point de départ.
C’est ainsi que s’achève la tournée européenne des Disney, périple qui aura duré en tout et pour tout six semaines. Six semaines durant lesquelles Walt, en plus de visiter le vieux continent et de négocier quelques contrats de distribution, aura ramené de nombreux livres de contes, d’opéras et d’illustrations d’artistes européens.
Prèsde 350 ouvrages (149 en Allemagne, 90 en France, 81 en Angleterre, 15 en Italie) ont été ramenés par Walt Disney et archivés par Helen Joséphine Deforce, première bibliothécaire embauchée par Walt, pour alimenter la bibliothèque Disney et donner d’énormes sources d’inspiration aux scénaristes et illustrateurs du studio.
On y retrouve les contes que maintenant nous connaissons tous comme La Belle au bois dormant et Cendrillon de Charles Perrault, Peter Pan de J. M. Barrie, Alice au pays de merveilles de Lewis Carroll, Blanche Neige de Jacob Grimm, Les aventures de Pinocchio de Carlo Collodi, Bambi de Felix Salten et tant d’autres. Mais aussi les illustrations féeriques de Gustave Doré par exemple, ou d’architectes reconnus comme Eugène Violet-le-Duc.
Didier Ghez, auteur du livre Disney’s Grand Tour : Walt and Roy’s European Vacation, summer 1935, a retracé en détails l’expédition des Disney, notamment grâce à l’aide de Diane, la fille de Lilly et Walt et aux détails donnés par le journal de voyage d’Edna. Il a ces quelques mots qui montrent à quel point ce voyage aura été un tournant pour l’entreprise Disney telle qu’on la connaît aujourd’hui :
« L’impact de l’aventure européenne de Walt et Roy Disney en 1935 se fera sentir de multiples façons au cours des trois décennies suivantes, dans les films que Walt produit, dans les artistes qu’il embauche et dans les idées qu’il a utilisées dans la conception de Disneyland »
Perrault, Grimm et d’autres auront réussi avec talent à faire passer les contes de l’oral à l’écrit, Walt Disney aura réussi lui, à les faire passer de l’écrit à l’animation.
Sources:
https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/disney-doit-tout-a-l-europe-16-09-2006-2007335194.php
https://www.levidepoches.fr/creation/2008/03/les-sources-din.html
https://www.lepoint.fr/culture/l-europe-se-construit-a-disneyland-12-04-2012-
https://www.german-way.com/walt-disneys-european-tour-in-1935-germany-austria-and-switzerland/
http://dessine.blogspot.com/2007/03/les-influences-europennes-de-disney.html
https://www.babelio.com/liste/3094/Les-livres-a-lorigine-des-dessins-animes-Disney
https://www.chroniquedisney.fr/dossier/2017-disney-londres.htm